Des feuilles de manioc plus pratiques et plus disponibles
Au-delà
de leur disponibilité physique en saison pluvieuse et de leur richesse en
nutriments, les feuilles de manioc posent un problème pratique pour leur usage
surtout en milieu urbain et en saison sèche. La préparation des feuilles de
manioc exige un matériel assez spécifique, parfois encombrant en milieu urbain
(pilon, mortier…) et la préparation des mets prend beaucoup de temps (minimum 4h).
Or, la ménagère urbaine exige des aliments qui sont en même temps pratiques,
accessibles et disponibles. Elles veulent avoir à portée de la main les aliments
qu’elles peuvent rapidement cuire. En saison sèche, les feuilles de manioc se
raréfient, plongeant les communautés qui en dépendent dans la famine. C’est à
ce niveau que se pose le problème de la valorisation des feuilles de manioc par
la transformation, la conservation et la commercialisation.
Le séchage des feuilles de manioc, une
opportunité à explorer
Depuis
environ trois ans aujourd’hui, le Réseau des Acteurs du Développement Durable
(RADD) sillonne les villes et les villages du Cameroun pour apprendre aux
ménages à consommer autrement les feuilles de manioc, à les transformer et à
les conserver. Les feuilles de manioc sont l’un des rares légumes feuilles qui
peut se sécher aisément au soleil. Elles sèchent en 3 heures minimum sous un
soleil régulier de plus de 24° de température. Les feuilles de manioc
deviennent alors craquantes et il revient à la ménagère de les froisser entre
ses mains pour obtenir une poudre qui remplace valablement les feuilles de
manioc pilées. Avec cette poudre de feuilles de manioc, la ménagère peut en
user dans toutes les recettes qu’elle a l’habitude de faire avec les feuilles
de manioc fraîches.
Nous
soutenons cette formation par un support de formation que nous avons
produit. « 48 recettes à base
de feuilles de manioc » est un recueil des recettes rassemblées au
cours des formations effectuées dans les régions du Centre, Sud et Est du
Cameroun et dans certains pays de l’Afrique Centrale.
Les atouts des feuilles de manioc
séchées
Depuis
Mars 2009, le radd à formé plus de 2800 femmes rurales et urbaines aux
techniques de valorisation des feuilles de manioc par le séchage, la
multiplication des modes de consommation et la commercialisation.
Pendant la formation, les
apprenants sèchent les feuilles de manioc au soleil et les cuisinent
immédiatement en appliquant les mêmes recettes et les mêmes méthodes que celles
qu’elles appliquent dans la cuisson des feuilles fraîches. Cette démarche
facilite l’appropriation de la technique de conservation des feuilles de manioc
par ces communautés. C’est ainsi qu’elles arrivent à comprendre que :
Le séchage des feuilles de manioc
élimine la pénibilité liée à la préparation de ces légumes
A
la fin de la formation, les apprenants surtout les femmes expriment ouvertement
leur joie.
Pour
les mamans, c’est véritable une technique salvatrice qui vient alléger la
pénibilité liée à la cuisson des feuilles de manioc en diminue le temps de
préparation, en facilitant la préparation… Pour ces mamans, fini le pilon et le
mortier qui nécessitent une mobilisation de l’énergie et du temps. Jadis, les
mamans rentraient du champ vers 18h, commençaient la préparation des feuilles
de manioc où il fallait équeuter, piler et cuisiner. Le repas était près vers
21h. Avec le séchage de feuilles de manioc, les mamans ne pilent plus et le
temps de cuisson est divisé en trois. Au lieu de 4heures de cuisson, la femme
met au maximum 1h 30mn pour préparer ces feuilles. La technique de séchage est la bienvenue pour les femmes
âgées, celles qui n’ont plus assez d’énergie pour piler, le séchage est pour
elle un raccourcie qui leur permet de continuer à cuisiner leurs feuilles de
manioc sans dépendre d’une main forte qui viendra leur apporter une aide. Elles
se réjouissent donc, tout comme les enfants et les jeunes dont l’exercice de
pilage est toujours pénible. Ainsi présentée, les femmes urbaines peuvent
préparer les mets traditionnels à base de feuilles de manioc parce la cuisson
est devenue facile. Ce qui pérennise les habitudes culinaires locales et
luttent contre les dépendances alimentaires.
Les feuilles de manioc séchées sont plus
appétissantes et plus nutritives que celles qui sont fraîches
En
termes de goût, les feuilles de manioc séchées lorsqu’elles sont salées sont
plus appétissantes que celles qui sont fraîches. Pendant le séchage, les feuilles
de manioc libèrent dans l’air libre leur odeur principale. Pendant la cuisson, cette
odeur a disparut alors qu’elle a souvent constitué un critère d’appréciation
défavorable pour la qualité du met. Les légumes
séchés sont 6 fois plus nutritifs que les légumes frais.
Les feuilles de manioc séchées se
conservent mieux
Les
feuilles de manioc séchées sont le seul moyen pour les femmes de conserver les
feuilles de manioc. Une fois séchée et bien conditionnées les feuilles de
manioc peuvent mettre plus de 6 mois. Cette méthode de conservation présente l’avantage
de ne pas être coûteuse comparativement à la congélation qui va nécessiter les
frais d’électricité. Les femmes peuvent sécher les feuilles de manioc pendant
l’abondance et les consommer pendant qu’elles sont rares en saison sèche. Ce
qui limite les crises de famines au sein des familles pendant la sécheresse.
Les feuilles de manioc séchées sont de
transport facile pour les voyageurs
Une
fois séchée, ces feuilles pèsent le 1/10ième de leur poids initial
et occupent le 1/10ième de leur volume. Elles deviennent faciles à
transporter. Pour les voyageurs, c’est la présentation idoine pour les emporter
partout où l’on veut. A quantité et à qualité égale, le poids et le volume sont
divisés par 10. Les feuilles fraîches pèsent et sont encombrantes, celles qui
sont congelées pèsent également avec les risques de voir l’eau suinter. Les
séchées présentent très peu de problèmes ou presque pas et constituent la
solution pour le voyage. A travers le séchage de ces feuilles, il va être
possible d’établir les ponts alimentaires entre les régions productrices et
celles en pénurie qui en nécessitent et facilite l’exportation de ces
légumes.
Le séchage des feuilles de manioc lutte
contre les pertes après récolte
Ces
pertes avoisinent 75% de la production. En les séchant, les feuilles de manioc deviennent
faciles à cuisiner et la propension à les préparer augmente ainsi que la
possibilité pour les producteurs de les conserver pour des usages de
consommation ou de commercialisation. Il est fort possible que toute la
production des feuilles de manioc soit valorisée.
Le séchage attribue une valeur
économique aux feuilles de manioc
Sous
la forme brute, les feuilles de manioc sont volumineuses. Les transporteurs
publics refusent de les porter parce qu’elles occupent de l’espace et rapporte
financièrement très peu. Alors, pratiquement, les feuilles de manioc n’ont
aucune valeur marchande dans de nombreux villages. Une fois séchée, elles peuvent
être transportées vers des centres de commercialisation parce que le volume et
le poids ont diminué de façon significative. Bien conditionnées, les feuilles
de manioc séchées peuvent s’exporter et servies à la diaspora africaine à
travers le monde. La séchage peut se traduire en activités génératrices de
revenus avec des création d’emplois et de revenus nouveaux.
En conclusion
Pour
conclure, les feuilles de manioc abondent dans les champs en saison de pluie et
se raréfient en saison sèche. Quand elles abondent, elles se détériorent dans
les champs et quand elles sont rares, c’est des communautés entières qui sont
affamées parce qu’elles constituent la base de leur alimentation. Le séchage
des feuilles de manioc résout entièrement ce problème. Les excédents de
production peuvent être déshydratés pendant l’abondance et conservés pour être
utilisés pendant la période de soudure. Cette technique de conservation présente
de nombreux avantages. La technique et la technologie de séchage sont
accessibles à chaque producteur de manioc. La version séchée reste aussi
nutritive et présente des qualités gustatives meilleures que celles des
feuilles fraîches. Ces produits deviennent faciles à transporter parce qu’elles
ont perdu les 9/10ième de leur poids et de leur volume. Elles peuvent
être fournies en quantité et de façon régulière pour relever les rations
alimentaires des cuisines de masse comme dans les prisons, les internats, les hôpitaux,
les camps de refugiés.